Le PASTEL (Isatis Tinctoria) est une étonnante crucifère bisannuelle, dont les feuilles donnent un bleu exceptionnel.
Auparavant les feuilles écrasées sous des meules produisaient une pulpe verdâtre, d’où l’on confectionnait les cocagnes (pelotes rondes) ensuite travaillées pendant 4 mois, pour aboutir au produit fini : l’agranat !
Le pastel plante fabuleuse qui donnait du bleu à toute l’ Europe il y a 400 ans, fit s’épanouir la Renaissance toulousaine et s’enrichir la région au XVI° siècle.
Au temps du « pastel », Revel fut célèbre pour ses teintureries donnant la « Fleurée ».
Par ses retombées économiques, l’exportation vers les pays du Nord, forgea la légende du « Pays de Cocagne ».
La cocagne
Par définition, le Lauragais est le pays de Cocagne. C’est ici, en effet, dans cette terre aux collines exceptionnellement fertiles, que naît cette célèbre expression. Cette plante mythique, le Pastel, qui est très fortement associée à l’histoire du Lauragais.
Le pastel a donné au Lauragais du 15ème au 16ème siècle une richesse jamais retrouvée, un siècle d’or (de 1462 à 1562) qui a vu le pays se couvrir de châteaux, d’églises et de pigeonniers. Les coques également appelées cocaignes ou cocagnes, sont des boules séchées et dures de feuilles de pastel écrasées. C’est la plante mythique du pays de Laurac, on l’appelle » l’herbe du Lauragais », c’est dire combien la région et la plante sont étroitement liées.
Le pastel contient dans ses feuilles un produit chimique qui permet de teindre en bleu les tissus de laine : c’est une plante, de la famille des crucifères, d’une hauteur d’un mètre environ lorsqu’elle fleurit et aux feuilles lisses, assez larges. Le pastel est très exigeant quant à la richesse du sol qu’il épuise rapidement. Semé en février-mars, sur de petites parcelles, la plante fleurit en avril-mai et les graines sont récoltées en juin, le cycle est de 15 mois environ. Sa culture est un véritable jardinage avec de multiples sarclages qui réclament une main d’œuvre importante.
Les feuilles sont cueillies à la main de la St Jean à la Toussaint. Soigneusement lavées, elles sont écrasées au moulin pastelier.
Des centaines de moulins ont parsemé le Lauragais, il en reste d’ailleurs un, intact, au musée du pastel de Magrin (au sud de Lavaur dans le Tarn).
Le moulin est une simple meule de pierre qui tourne dans une auge et qui transforme les feuilles en une bouillie que l’on prépare en boules. Ces dernières sont ensuite placées dans une sorte de séchoir (voir par exemple celui de Magrin). Durcies, elles sont commercialisées surtout vers Toulouse, où se fait la préparation de l’agranat, c’est à dire la matière qui servira dans les cuves des teinturiers. L’agranat est formé de granulats noirâtres, résultat d’une longue préparation et de la fermentation des coques.
La « fleur de pastel » recueillie sur le bord des cuves des teinturiers sera utilisée comme pigment pour les Beaux Arts, elle était aussi utilisée par les « peintureux » (nom donné à l’époque pour désigner les peintres des carrosses et bâtiments) sous le nom de bleu charron).
Il faut noter que le pastel des peintres étaient utilisés en poudre. Ils ne supportaient que très peu l’huile, ce qui permet peut-être d’expliquer le fait qu’il était surtout utilisés en enluminure.
Il faudra attendre la fin du XVème siècle pour voir la peinture sèche prendre son essor en France, et que son utilisation en « crayons » soit avérée.
Pourquoi aussi peu de référence au bleu pastel des peintres ?
La corporation des teinturiers était très réglementée et a laissé de nombreux documents sur les pigments et la fabrication des couleurs, alors que celle des peintres n’existait pas. Les secrets des ateliers sur les procédés pour peindre ne seront que partiellement levé au Siècle des Lumières, avec la publication en 1788 du premier « Traité de la peinture au pastel » par Paul-Romain de Chaperon.
A cette époque, le commerce du pastel est international : depuis Albi et surtout Toulouse, des marchands pasteliers envoient les balles de pastel vers Bayonne, et de là vers l’Angleterre, les Flandres, les Pays-Bas, l’Allemagne rhénane; même circuit par Bordeaux, le Col du Somport vers l’Espagne, Burgos et la Castille.
Vers l’Est, depuis Toulouse, une autre voie commerciale dirige l’agranat vers Narbonne, Barcelone, Marseille et l’Italie.
Au 16ème siècle, Toulouse est la plaque tournante de ce type de commerce avec des princes du pastel aux noms célèbres pour les toulousains : d’Assézat, Bernuy, Cheverry, ou Lancefoc. Cette richesse a d’ailleurs laissé de nombreuses traces dans l’architecture civile et religieuse du Lauragais et de Toulouse. La plupart des hôtels Renaissance de Toulouse reposent sur des fortunes pastelières. Les capitaux tirés de la production et surtout du commerce du pastel sont investis dans les nombreux châteaux du pastel des 15ème et 16ème siècles (Marquein, Belflou, Espanès, Montmaur, Fajac la Relenque, Ferrals ect ).